Mutation

Prologue

En 2010, tout est joué ! Les OGM envahissent librement le marché mondial. On juge les méthodes parfaitement au point, particulièrement celle du transfert indirect, utilisant comme vecteur des bactéries telluriques phytopathogènes, les Agrobacterium tumefaciens et Agrobacterium rhizogènes. Ces micro-organismes sont capables de détourner à leur profit le métabolisme de certaines espèces végétales en faisant produire, aux cellules qu’ils infectent, des molécules nutritives (appelées opines) nécessaires à leur croissance. Il a été ainsi démontré que ce dérèglement cellulaire était dû à une véritable opération de génie génétique. On trouve des OGM dans pratiquement tous les produits de consommation courante.

En 2010, tout est joué ! Les OGM envahissent librement le marché mondial. On juge les méthodes parfaitement au point, particulièrement celle du transfert indirect, utilisant comme vecteur des bactéries telluriques phytopathogènes, les Agrobacterium tumefaciens et Agrobacterium rhizogènes. Ces micro-organismes sont capables de détourner à leur profit le métabolisme de certaines espèces végétales en faisant produire, aux cellules qu’ils infectent, des molécules nutritives (appelées opines) nécessaires à leur croissance. Il a été ainsi démontré que ce dérèglement cellulaire était dû à une véritable opération de génie génétique. On trouve des OGM dans pratiquement tous les produits de consommation courante.

Plus personne ne fait vraiment attention à ce qu’il a dans son assiette, le principal étant qu’il y ait quelque chose.

Jusqu’en 2005, l’Europe était la région du monde où l’on organisait le plus la lutte contre les OGM, mais, comment, quand on est assuré d’avoir une assiette toujours remplie, expliquer à un africain ou à un Indien que les produits trafiqués peuvent, peut-être, potentiellement, être dangereux pour la santé ? Surtout quand des dizaines de laboratoires, soi-disant, indépendants, en réalité à la solde des grands groupes internationaux, publient tous les deux mois des tonnes d’études toutes plus rassurantes les unes que les autres.

Jusqu’en 2005, l’Europe était la région du monde où l’on organisait le plus la lutte contre les OGM, mais, comment, quand on est assuré d’avoir une assiette toujours remplie, expliquer à un africain ou à un Indien que les produits trafiqués peuvent, peut-être, potentiellement, être dangereux pour la santé ? Surtout quand des dizaines de laboratoires, soi-disant, indépendants, en réalité à la solde des grands groupes internationaux, publient tous les deux mois des tonnes d’études toutes plus rassurantes les unes que les autres.

Pourtant, en Europe, on persiste, particulièrement en France ! Les risques allergiques sont, dit-on, très importants. Mais les Français entrent eux aussi dans le rang. Les intérêts financiers sont bien trop importants et les pressions bien trop fortes. En quelques années, On ne prononce même plus le sigle OGM, car il y en a partout, il n’y a plus que ça…

Entre 2010 et 2020, on trouve de plus en plus de jeune qui n’ont même jamais entendu parler des OGM… Si non, finalement, la vie n’a pas tellement changé en 15 ans. Et si on regarde bien, si presque tout le monde à manger dans son assiette, mais l’introduction des OGM n’a résolu aucun des problèmes économiques et politiques… Si… Les riches sont encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres…

C’est en 2021 que débute cette histoire. Une histoire qui sera peut-être la dernière du monde telle que vous et moi le connaissons. On a toujours prédit que l’homme détruirait la planète, mais on s’attendait plutôt à quelque chose de spectaculaire… Pas à ce qui va suivre…

Chute du marché.

La salle était silencieuse. Après l’exposé que venait de faire la responsable pour l’Europe, en personne, il fallait digérer… 5000 suppressions de postes, ce n’était quand même pas rien ! Seulement, seulement les chiffres étaient là ! Désastreux, catastrophiques, alarmants.

En 2 ans, l’entreprise avait perdu plus de 50% de part de marché ! Du jamais vu ! En bourse, l’action de la société avait, elle, perdu 80% de sa valeur. Les actionnaires voulaient des têtes… et ils allaient en avoir ! Mais qui avait bien pu porter ce coup fatal à une des plus prestigieuses et prospères sociétés de bas, collant, chaussettes, socquettes. Qui donc avait récupéré les parts de marché !

Et c’est là que plus personne ne comprenait. Personne ! Personne n’avait récupéré ces putains de part de marché ! Les concurrents étaient dans le même état qu’eux ! Les gens n’achetaient plus de chaussettes, c’est tout ! On avait doublé, puis triplé les budgets publicitaires et les ventes étaient toujours en chute libre.

La première année, on avait mis ça sur le compte de la mode… Ce n’était pas la première fois que les chiffres baissaient à cause d’un style de chaussures en vogue que se portaient mieux pieds nus qu’avec des bas ou des chaussettes. Après tout, une baisse de 15% sur un an, si c’était un coup de mode, ce n’était pas la mer à boire. Les ventes allaient remonter en hivers et peut-être même rattraper une partie de ce manque à gagner. Les gens qui n’avaient pas acheté de chaussettes ou de bas en été en achèteraient dès que les mauvais jours arriveraient !

Ça ne s’était pas passé comme ça. En hivers, les ventes avaient continué de baisser. On avait alors lancé des études, des consultations, des sondages ! En bref, on avait tout tenté pour comprendre. On offrait 5 paires pour le prix d’une et on ne les vendait toujours pas. La vente des articles masculins avait baissé de 3% mais celle des articles féminins de 12%.

Aujourd’hui, on était à 5% pour les articles masculins et 45% pour les articles féminins. On ne pouvait plus vraiment croire à une baisse passagère… On s’y accrochait encore, mais le cœur n’y était plus. Il fallait essayer de sauver ce qui pouvait encore l’être, d’où ces 5000 licenciements.

L’exposé était très clair ! La progression semblait ne pas vouloir s’arrêter. Dans deux ans, à ce rythme-là, c’était la disparition de l’entreprise. Ils avaient étudié des dizaines de graphiques, des dizaines de rapports, écouté des dizaines d’experts, visionné des dizaines de reportages de terrain. En plein mois de janvier, on voyait dans la rue des centaines de filles en chaussures d’été, parfois mêmes pieds nus dans les sandales… D’accord, l’année n’était pas froide et les températures étaient largement au-dessus des moyennes saisonnières, mais quand même ! Donc, fermeture de 15 usines en France et réduction des effectifs dans 10 autres ou les chaînes de confection des articles féminins seraient partiellement arrêtées. La veille, une grande fabrique de chaussures avait annoncé des mesures similaires.

Dolorès

Dolorès avait mal aux pieds. Ça faisait même plusieurs jours qu’elle avait mal aux pieds ! Elle travaillait dans une grande banque et rentrait à pied et chaque jour, la route lui semblait plus longue. Quelque chose la gênait, sous les pieds, et au bout des orteils, surtout. Pourtant, avec cet hiver doux et ce printemps précoce, elle n’avait même pas sorti les chaussures d’hiver. C’est avec le plus grand des plaisirs qu’elle se déchaussait le soir dès qu’elle franchissait la porte de son appartement.

Une fois pieds nus, ça allait nettement mieux ! Elle avait inspecté plusieurs fois la semelle de ses chaussures, ses pieds, l’intérieur des chaussettes, changé de lessive deux fois… C’était toujours la même chose. Si ça continuait, elle irait voir un pédicure ou même un médecin. Puis, tous les soirs, comme elle restait pieds nus, la gêne disparaissait complètement et elle oubliait ses résolutions. Jusqu’au lendemain, dans la matinée, au moment ou ses pieds commençaient à la faire souffrir.

Aujourd’hui, c’était encore pire que les autres jours, à tel point qu’elle s’en était ouverte à la fille qui partageait le même bureau.

  • Merde, qu’est-ce que j’ai mal aux pieds aujourd’hui, Karine, je ne te dis pas !
  • Toi aussi ? C’est curieux ça ! Je pensais qu’il n’y a qu’à moi que ça pouvait arriver ! Mais j’ai trouvé la solution ! Enfin… Provisoirement !
  • Ben, c’est simple !

Elle fit pivoter son siège et révéla deux pieds parfaitement nus.

  • Et voilà !
  • Evidemment ! Tu as de la chance, personne ne peut voir sous ton bureau depuis le couloir ! Ce n’est pas mon cas ! Sinon, il y a longtemps de ce serait fait !
  • Et alors ? Qu’est-ce que ça peut bien faire !
  • Ba quand même !
  • Je n’en moque ! le principal, c’est que je n’ai pas mal aux pieds ! Mais c’est curieux, ça, qu’on ait toutes les deux le même problème de pied ? Non ?
  • Ben… A vrai dire, je ne pensais pas que tu pouvais avoir ce problème toi aussi…
  • Il y a longtemps ?
  • Quelques jours… Peut-être une semaine…
  • Pareil pour moi… Je pensais que ça allait passer, mais ça empire ! Je crois que je vais aller voir un toubib ! Ce n’est pas normal quand même !
  • Oui, ce n’est pas normal, tu as raison… C’est à la fois rassurant et inquiétant…
  • Quoi ? Rassurant ?
  • Oui ! Rassurant de voir que je ne suis pas la seule… et inquiétant… Pour la même raison…

Séverine

  • Remonte dans ta chambre et va mettre des chaussettes !
  • Mais, maman ! Ça ne fait trop mal !
  • Ou as-tu vu jouer ça ! Des chaussettes qui font mal aux pieds ? On ne se balade pas presque pieds nus en plein mois de janvier !
  • Mais mes copines ne mettent pas de chaussettes !
  • Parce que ça leur fait mal aux pieds, sans doute ? N’est-ce pas ?
  • Parfaitement ! c’est ça !
  • Bon ! Quand tu arrêteras de te foutre de moi ! Alors, dans ta chambre immédiatement et… Chaussettes ! Exécution !

Séverine remonte lentement l’escalier qui mène à sa chambre. Comme va-t-elle se sortir de ce coup-là ! Pourtant, elle ne plaisante pas comme sa mère à l’air de le croire ! Les chaussettes la gêne vraiment ! C’est comme une brûlure pénétrante ! Jamais elle ne pourra les supporter. Déjà, hier au lycée, elle a failli se trouver mal… Elle envie tellement certaine de ses copines ! Agnès, par exemple qui est venue en tongs ! Bien sûr, elle a eu quelques réflexions des profs, mais elle était à l’aise au moins !

  • Alors, Séverine ! C’est pour aujourd’hui ou pour demain !

Bon ! Ben il fallait prendre une décision, maintenant ! Lentement, elle ôta sa sandale droite. Elle enfila la chaussette. C’était les plus fines qu’elle avait trouvé. Immédiatement, elle eut l’impression de tremper son pied nu dans une bassine d’eau trop chaude. D’un mouvement réflexe, elle arracha la chaussette. Bien décider à ne pas céder, elle lança la chaussette dans la chambre et remit la sandale.

  • Je viens, je viens !

Elle descendit fièrement l’escalier !

  • On dirait que tu as des problèmes de compréhension ! Bon sang ! tu as de la veine qu’on a plus le temps, sinon, je te garantis que tu les aurais mis ces chaussettes ! Déjà, des sandales en hiver, alors que tu as au moins de paires de bottines dans ton placard !
  • Mais ce n’est pas de ma faute ! je te jure !
  • Ecoute, tu m’énerves ! Puisque tu es soi-disant malade, nous passerons voir le médecin en rentrant ce soir ! je te conseille de trouver une bonne explication, sinon, malgré tes 13 ans, tu pourrais bien prendre une bonne correction ! Attend que j’en parle à ton père !
  • Tu auras qu’à regarder ! la plupart de mes copines ne mettent pas de chaussettes non plus !
  • J’y compte bien !

Pas un mot dans la voiture. Séverine, la tête baissée regarde fixement ses pieds. Bizarre quand même, de ne pas pouvoir supporter les chaussettes… Bien sûr, ses copines sont pieds nus dans leurs sandales, chaussures ou sabots, mais est-ce pour la même raison qu’elle ? C’est la première fois qu’elle se pose vraiment la question.

Elle descend de voiture et entre immédiatement dans la cour du lycée. La voiture de sa mère reste un moment. La femme au volant est plutôt perplexe… En effet, plus de la moitié des jeunes filles sont très peu chaussées. Et si ce n’était pas une lubie de sa fille ?