Garnier
Depuis 2 jours, le professeur Garnier jubilait ! Il avait enfin trouvé un directeur de clinique assez pourri pour le laisser mener son expérience. Ses recherches allaient enfin pouvoir progresser ! Depuis le temps qu’il attendait ça ! Sa mallette était prête. Ça lui avait fait tout drôle de la ressortir du placard. Depuis presque 20 ans qu’elle y dormait… 20 ans déjà ! 20 ans de sa vie pour mettre au point cette molécule qui allait, il en était sur, révolutionner toute la psychiatrie moderne. Et enfin, l’aboutissement ! ça faisait deux ans maintenant qu’il se heurtait à l’administration. Il avait organisé plusieurs présentations de ses travaux, mais malgré toute cette énergie dépensée, jamais il n’avait obtenu l’autorisation de passer à l’étape de l’expérimentation humaine.
Il avait hésité longtemps avant de se décider à braver l’autorité… Mais il n’était plus très jeune et il avait peu que le temps lui manque.
Il avait peur ! Toute sa vie, il s’était efforcé de rester dans la plus stricte légalité… Mais là ! Il était sûr de sa réussite et n’avait plus de temps à perdre en inutiles salamalecs. Depuis le matin, il regardait la monumentale pendule, au-dessus de la porte de son laboratoire, avec une certaine appréhension. Enfin, le moment était arrivé ! Il s’approcha de son assistante, une ravissante brune d’une trentaine d’années, pour lui annoncer son départ. La jeune femme eut l’air surprise ! C’est vrai que depuis 3 ans qu’elle travaillait avec lui, c’était la première fois qu’elle le voyait quitter le labo avant elle.
Il retrouva facilement sa voiture, contrairement à son habitude, dans l’immense sous-sol de l’immeuble. Trois heures de route ! Une éternité, pour lui qui ne faisait jamais d’autre trajet que rejoindre son pavillon de banlieue.
Les traditionnels embouteillages du tunnel de St-Cloud étaient au rendez-vous et il passa plus d’une demi-heure avant de pouvoir rouler normalement.
Sa destination était une petite clinique, près de Rouen, en pleine perte de vitesse et dont le directeur, un certain Paoli, cherchait désespérément à boucler son budget. Ça lui coûtait assez cher ! Mais, même si ses recherches avaient englouti le plus gros de la fortune que lui avait laissé sa mère, en plus du pavillon de banlieue, il lui restait suffisamment pour pouvoir s’offrir plusieurs de ces expériences, vraiment à la limite de la légalité.
Il était presque dix-huit heures quand il pénétra dans le parc mal entretenu de la clinique. Bien sûr, il ne s’était pas attendu à quelque chose de luxueux et de moderne, mais là ! Le bâtiment devait dater du siècle dernier et ne devait jamais avoir connu de rénovation. Les pierres de la façade étaient presque noires… Vraiment pas engageant !
La porte principale ressemblait à une entrée d’hôtel des années 50, avec son monumental tourniquet. La salle d’attente était déserte. Une grosse femme trônait derrière un gigantesque bar en lisant une revue. Il s’approcha et affirma :
- « Je suis le professeur Garnier. J’ai rendez-vous avec le docteur Paoli »
Il lui sembla que la femme ne l’avait pas entendu. Tout juste un haussement de sourcils. Elle terminait son article. Quand elle eut terminé, elle referma tranquillement le journal et le rangea dans un tiroir.
- « Je vais voir s’il peut vous recevoir…. Comment vous avez dit ? »
- « Garnier, professeur Garnier »
Elle entra dans un couloir, et ferma la porte derrière elle. Garnier se mit à marcher de long en large dans la salle déserte. Il était encore temps de faire machine arrière. Il n’avait qu’à sauter dans sa voiture et rentrer à Paris ! Tant pis pour l’argent qu’il avait déjà versé à Paoli… Mais… Non ! Il était trop près du but… Pas de sensiblerie. La porte se rouvrit sur un petit homme chauve et bedonnant.
- « Garnier ! Personne ne vous a vus ? Ne restons pas ici, venez avec moi ! Je ne tiens pas vraiment à ce que l’on nous voie ensemble ! »
Il appela un homme, qui devait faire office de gardien et dit :
- « Donnez les clés de votre voiture à Eugène, il va la garer derrière le bâtiment »
- « Nous n’allons pas voir notre patiente ? »
- « Elle n’est pas ici… Trop de risques. Allez ! Venez avec moi ! »
Il suivit Paoli dans le parc. Paoli se déplaçait rapidement sur ses courtes jambes. Ils arrivèrent à un petit bâtiment en bois que Garnier prit d’abord pour une cabane de jardin. Paoli sélectionna une clé sur un volumineux trousseau et ouvrir la porte. Elle était là ! Recroquevillée sur une couchette crasseuse, vêtue d’une chemise de nuit déchirée, sans drap ni couverture. Garnier se retourna vers Paoli :
- « Qu’est-ce que ça veut dire ? »
- « Quoi ? »
- « Pourquoi cette cabane… Ces conditions épouvantables ? »
- « Vous vouliez bien de la discrétion ! Cette fille n’a pas de famille, pas d’ami connu dans la région… Personne ne viendra la rechercher ! Et ici, vous serez tranquille pour faire ce que vous voulez… Si ça tourne mal… Eh bien, elle est déjà dans le parc, de toute façon ».
- « Vous êtes fou mon pauvre ami ! Je n’ai jamais rien demandé de tel ! Et je suis sûr que mon expérimentation est sans danger ! »
- « De toute manière, je ne peux plus la remettre en circulation maintenant… Les flics me l’ont amené, il y a une semaine, après une tentative de suicide et je leur ai déjà signalé sa disparition ou son évasion, comme vous voulez. Et puis, c’est bien un cobaye que vous vouliez ! Vous l’avez ! »
- « Mais il n’était pas question de condamner quelqu’un de cette façon… »
- « C’est à prendre ou à laisser ! Vous m’avez payé et j’ai effectué ma part du contrat… Maintenant, à vous de vous débrouiller avec le reste ! Ah ! J’oubliais ! Voilà tout ce que nous avons sur elle !»
- « Ça ne se passera pas comme ça ! Je vais… »
- « Vous allez quoi ? Prévenir la police ! Et vous leur direz quoi ! Que vous vous prépariez à effectuer une expérimentation sans autorisation… Bon, j’ai du travail, je vous laisse. »
Garnier était effondré. Paoli était fou. C’était la seule explication. Il n’avait qu’une envie. Partir en courant ! Mais il était parfaitement conscient, qu’en fait, il était coincé. De toute façon, cette fille était condamnée. Jamais Paoli de lui rendrait sa liberté. Il allait devoir assumer ! Maintenant que ses yeux commençaient à l’habituer à la pénombre qui régnait dans la pièce, il pouvait nettement distinguer la forme recroquevillée sur la couchette. Elle était blonde. Il s’approcha. Elle ne devait pas avoir plus d’une vingtaine d’années, sans doute moins. Elle était jolie. Il s’aperçut qu’elle était attachée à la couchette par une paire de menotte. Voilà pourquoi elle ne bougeait pas, malgré la porte ouverte ! Il prit le maigre dossier que Paoli avait négligemment jeté sur la table et l’ouvrir.
Elle s’appelait Cécile, Cécile Guillon. Elle avait 19 ans, n’avait pas de domicile connu, n’était pas malade, du moins pas physiquement, et s’était jetée dans la seine une semaine plus tôt. C’était à peu près tout ce qu’il y avait dans le « dossier ». Il prit une chaise et alla s’asseoir à côté de la litière. Pour la première fois, il croisa le regard de la jeune fille. Aucune crainte dans ses yeux ! Elle attendait que ça se passe !
- « Je… Je suis désolé… Je ne voulais pas que ça se passe ainsi. »
La jeune fille ne répondit pas.
- « Je peux peut-être vous aider. »
L’affirmation du professeur fut interprétée comme une question.
- « Si c’est à mourir, je suis d’accord ! »
- « Mais non ! Je peux sans doute vous guérir »
- « Alors, foutez-moi la paix. Je ne suis pas malade. Je sais ce que je veux. »
- « Bon. Ecoutez-moi… Cécile, c’est ça ? »
- « Qu’est ce que ça peut bien vous foutre ! Faites ce que vous voulez et laissez-moi mourir ! »
Malgré les circonstances inhabituelles, Garnier ne put s’empêcher de remarque que le sujet était vraiment idéal. Un beau blocage. Exactement ce qu’il fallait !
- « Voila. Cela fait des années que je travaille sur une nouvelle génération d’anti dépresseur, et mes recherches ont abouti à la mise au point d’une molécule nouvelle qui devait révolutionner toute notre stratégie dans ce domaine… »
- « Et je suis votre cobaye. Ça, je l’avais déjà compris ! »
- « Cobaye ! Je n’aime pas ce mot. Disons que vous êtes ma première patiente. »
- « Entre nous, je ne vois pas vraiment ce que ça change. C’est dangereux ? »
- « Mais non ! Absolument pas ! C’est pourquoi je ne comprends pas la réaction du docteur Paoli. Il n’était pas nécessaire de vous traiter de cette façon. »
- « Dommage ! Vous auriez pu réussir là où je ne suis complètement ratée ! »
- « Vous êtes d’accord ? »
- « J’ai le choix… Allez ! Donnez-moi votre comprimé qu’on en finisse ! »
- « Oh ! Je n’en suis pas encore au stade du comprimé. »
Il se leva et ouvrit sa veille sacoche. Il en sortit une boite métallique enroulée dans un plastique. La seringue était prête.
- « Je n’aime pas les piqûres, mais comme c’est sans doute la dernière… »
- « Si je vous détache, vous ne cherchez pas à vous tuer ! Mais je n’ai pas la clé… »
- « Elle est derrière vous, sur le clou, près de la porte. »
Garnier posa la seringue sur le rebord de la table et alla chercher la clé des menottes. Il détacha le poignet de la jeune fille. Elle s’assit sur la couchette en repliant les jambes sous elle et tendit un bras.
- « Allez-y ! »
- « Vous n’avez pas peur ? »
- « Je n’ai rien à perdre. »
Garnier passa un coton imbibé d’alcool sur la peau blanche. Il tâtonna un moment pour trouver une veine et planta l’aiguille d’un geste vif. Il s’en sortait bien finalement. Depuis le temps qu’il n’avait plus pratiqué, il s’était demandé s’il y arriverait. Quand le piston arriva en bout de course, l’aiguille fut remplacée par le coton et il referma le bras de Cécile.
- « Il n’y a plus qu’à attendre un peu maintenant »
- « J’ai tout mon temps. »
- « Si vous me parliez un peu de vous ! Vouloir mourir à 20 ans ! »
- « Bof. Des parents qui vous foutent à la porte à 15 ans… Vous quittez tout pour un copain qui vous largue 3 mois plus tard… »
Garnier rayonnait. Disparue, l’agressivité. La jeune fille parlait, parlait et parlait encore ! Il avait réussi. Le blocage avait été pulvérisé ! Il n’avait pas espéré des résultats aussi spectaculaires.
Il la regardait parler depuis presque 2 minutes quand, d’un geste brusque, elle déchira la chemise de nuit qui la recouvrait à peine. Ses seins apparurent, gonflés, les pointes dressées. Avant qu’il ait eut le temps de lui demander ce qu’il se passait, elle avait sauté hors de la paillasse, sur le plancher.
- « Que vous arrive-t-il ? »
- « Je ne sais pas… Ça me brûle… Le tissu… Les draps… »
Elle était debout, au milieu de la pièce, les mains croisées sur ses seins dont elle regardait avec surprise les pointes démesurées. Une de ses mains se porta précipitamment sur son bas ventre et elle regarda le professeur, incrédule.
- « Merde ! Je crois que je vais jouir ! »
- « Jouir ? »
- « Jouir quoi ! Avoir un orgasme bordel ! »
Garnier vit la jeune fille se replier sur elle-même. Ses bras quittèrent sa poitrine pour enserrer son ventre. Elle s’allongea sur le plancher, ses jambes se replièrent, sa bouche s’ouvrir démesurément et elle cria. Elle roula sur le dos et tout son corps s’arqua. Seul le sommet de son crâne et le bout de ses talons touchaient le sol. Elle retomba rudement, le ventre toujours secoué de spasmes violents.
Garnier était littéralement paralysé. Tout avait si bien commencé ! Les cris de la jeune fille gênaient sa concentration. Il n’osait même pas l’approcher, tant ses mouvements étaient brusques. Elle se griffait le ventre et les seins en râlant de plaisir.
Il avait presque envie de s’enfuir. Que se passait-il ? Où avait-il fait une erreur ? Qu’est-ce qui pouvait provoquer une telle réaction ?
Il en était là de ses réflexions quand la jeune fille s’adossa au mur de planches derrière elle. Les spasmes s’étaient calmés. Seules ses mains s’agitaient entre ses seins et son ventre. Elle essayait visiblement de rallumer le plaisir qui s’était éteint, sans y parvenir réellement. Il dut attendre une bonne demi-heure avant qu’elle soit capable de répondre à ses questions.
- « Waahou ! Vous auriez dû me le dire tout de suite ! Je me serais fait la piqûre moi-même. C’est formidable, merveilleux, sublime ! »
- « Mais totalement imprévu ! Vous avez vraiment eu un orgasme pendant tout ce temps ? »
- « Oui ! Comme je n’en avais jamais eu. Je n’imaginais même pas que l’on puisse jouir à ce point. J’ai failli devenir folle. »
- « Je ne comprends pas ce qui s’est passé… »
- « Aucune importance… Mais je suis prête à recommencer quand vous voudrez… Tout de suite même ! »
- « Sûrement pas. Pas tant que je n’aurais pas compris ce qui s’est passé ! Sans doute un effet parasite dut à un mauvais dosage »
- « Mais je ne veux pas que vous compreniez ! »
- « Mais ? Vous n’avez plus envie de mourir ! »
- « Après ça ! Bien sûr que non ! Je ne vais vivre que pour connaître encore un plaisir comme celui-là ! »
- « Tout n’est pas négatif, au moins »
- « Mais qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? »
- « Maintenant ? »
- « Ne croyez pas que vous allez remballer vos petites affaires et me laisser ici ! Je sais ce qui m’attend avec l’autre docteur. Un trou dans le parc ! Vous allez m’emmener avec vous ! Je ne vous lâche plus ! »
- « Mais c’est impossible ! Ce n’était pas prévu du tout ! »
- « Si vous voulez comprendre ce qui s’est passé, il faut poursuivre les expériences. Donc, vous ne pouvez pas me laisser ici… Ou je suis condamnée… Et vous le savez très bien ! »
Garnier devait le reconnaître. S’il ne faisait rien, la fille était foutue. Avec ce cinglé de Paoli… Comment allait-il faire ? Où pouvait-il l’emmener ? Puis, il sut. Son appartement de fonction, inoccupé, à l’institut.
- « Bon ! Habillez-vous. Je vais chercher ma voiture. Nous allons partir discrètement. Je n’ai aucune envie de retomber sur Paoli. »
La jeune fille le gratifia d’un franc sourire et se précipita vers ce qui restait de la chemise de nuit. Elle l’enfila avec une grimace de dégoût.
- « Elle me gêne… Je serais bien restée à poil ! »
- « Et les chaussures ? »
- « Restées dans le bâtiment principal. Ils n’ont amené ici comme ça. »
- « On en trouvera plus tard. Attendez-moi ici ! »
- « Non ! Je viens avec vous ! »
- « Mais vous n’êtes même pas chaussée ! »
- « Aucune importance. Et puis je vous l’ai dit, je ne vous lâche plus ! »
Ils trouvèrent la voiture de Garnier sous les arbres, derrière le bâtiment principal. Les clés étaient restées sur le contact.
- « Montez à l’arrière. Ne traînons pas ici. »
Cécile se dissimula entre les banquettes. Garnier, tremblant, s’engagea sur l’allée qui conduisait à la sortie. A une dizaine de mètres du portail, le gardien, Eugène, sortit en courant de sa loge. Garnier l’évita de justesse en donnant un coup de volant. Il ne respira de nouveau presque normalement que quand la voiture fut lancée sur l’autoroute qui les ramenait à Paris.
Recherche
Garnier était assis à son bureau. Même pas la peine qu’il rentre chez lui, Il lui serait certainement impossible de dormir. Il était presque minuit, et ça faisait plus de trois heures qu’il repassait ses notes pour trouver ce qui avait cloché. Il avait installé la jeune fille dans son appartement de fonction, dont la porte donnait directement dans le labo. Personne ne viendrait la chercher ici. Lui, un homme rangé, mondialement reconnu dans sa partie, venait d’enlever une jeune fille de 19 ans. Il avait pratiqué des expériences non autorisées, payé un médecin véreux pour trouver un cobaye… C’était vraiment beaucoup d’un seul coup. Comment allait-il faire avec cette gamine ? Il n’avait même pas été capable de lui donner à manger et elle dormait, trois pièces plus loin, à même le plancher. Il ne voyait qu’une solution, un peu risquée. Appeler son assistante. Il s’était toujours bien entendu avec elle. Elle était vive et ne s’embarrassait pas avec les détails. Elle trouverait sûrement une solution. Il décrocha le combiné et composa fébrilement le numéro. Une voix de femme, mais pas celle de son assistante, lui répondit.
- « Oui. »
- « Est-ce que je pourrais parler à Laurence Bergerac, Professeur Garnier à l’appareil. »
Il entendit une voix lointaine.
- « C’est pour toi »
Puis
- « Professeur ? Que se passe-t-il ? »
- « Laurence, je suis désolé de vous déranger à cette heure, mais j’ai besoin de vous »
- « De quoi s’agit-il ? »
- « Je ne peux rien vous dire au téléphone. Il faut que je vous voie. »
- « Et ça ne peut pas attendre demain matin… Je viendrais un peu plus tôt si vous voulez ? »
- « C’est urgent Laurence. Vous savez bien que je ne vous dérangerais pas si ce n’était pas le cas. »
- Bon, j’arrive…. Une heure, ça va ? »
- « Je vous attends »
Il raccrocha et alluma une cigarette. 15 ans qu’il n’avait pas fumé ! Quand il entendit le pas énergique de Laurence, il révisa rapidement les explications qu’il comptait lui donner.
Elle était souriante, malgré l’heure tardive. Cette fille était vraiment en acier. Il ne l’avait jamais vu perdre ses moyens.
- « Alors ! Qu’est-ce qu’il y a de casser ! »
- « Asseyez-vous Laurence. J’ai un gros problème. Voilà ! …… »
Il lui raconta sa désastreuse journée, sans omettre le moindre détail. Tout y passa. De la réception chez Paoli, aux conditions de détention de Cécile, jusqu’à l’effroyable réaction provoquée par leur nouvelle molécule. Laurence resta un moment silencieux et finalement.
- « Il n’y a quand même pas de quoi en faire un drame ! »
- « C’est ça que j’aime chez vous, Laurence. Avec vous, tout est toujours simple. »
- « Simple, peut-être pas vraiment, mais sûrement pas désespéré ! Je peux la voir ? »
- « Bien sûr ! Venez avec moi »
Ils traversèrent l’immense labo, entrèrent dans un petit couloir qui débouchait sur une porte de secours. Sur la droite, une autre porte donnait sur l’appartement de fonction du professeur. L’entrée était une pièce vide. Garnier alluma la lumière et gagna la porte opposée, qu’il ouvrir doucement. A même le plancher, Cécile, à moitié nue, dormait profondément. S’attendant à un commentaire quelconque, Garnier se retourna vers Laurence et la trouva pétrifiée, le regard fixé sur la jeune fille. Il dit doucement
- « Eh bien ! Laurence. Ça ne va pas ? »
- « Si… Si… Je… Elle est jolie n’est-ce pas ? »
- « Vous savez, j’ai passé l’âge de m’intéresser aux femmes de cette façon. »
Il referma la porte et regagnèrent le bureau du professeur. Laurence enleva son manteau, le jeta sur une chaise et dit :
- Il faut tout reprendre depuis le début… Nous avons du pain sur la planche ! »
Il était 10 heures quand leur attention fut distraite. Garnier leva les yeux vers son assistante et la vit rougir en regardant vers la sortie de secours du labo. Il tourna la tête et vit Cécile avancer lentement vers eux sur ses pieds nus. Il regarda de nouveau Laurence et vit que sa respiration s’était accélérée. Décidément, il y avait quelque chose qui lui échappait.
- « Bonjour ! Rien à manger dans cette baraque. J’ai la dalle moi ! »
Garnier regarda Laurence, qui semblait s’être reprise un peu.
- « Je vais chercher des croissants… Vous pouvez commencer à préparer du café professeur… Nous en avons tous besoin, je crois »
Elle enfila son manteau et sortit.
- « Alors ! On a passé une bonne nuit ? »
- « Super ! Une nuit comme il y avait longtemps que je n’en avais fait. Juste un truc curieux ce matin, mais pas désagréable du tout. Et vous ? Vous avez trouvé quelque chose ? »
- « Rien encore, hélas ! Quel truc bizarre ? »
- « Ho ! Rien, un truc idiot. Tant mieux, plutôt ! Et j’espère que vous ne trouverez rien ! Quand est-ce que vous refaites un essai ? »
- « Voyons, je vous l’ai dit, Cécile. Pas avant d’avoir trouvé ce qui ne va pas ! »
- « Mais tout va très bien, je vous assure. Ne changer rien. Cette molécule est parfaite. »
La discussion menaçait de tourner au vinaigre dans la porte du labo s’ouvrit sur Laurence, les bras chargés de croissants et de pain. Le café prêt, ils mangèrent de bon cœur. Cécile dévora 4 croissants et une demi-baguette. Elle riait en taquinant Laurence sur sa coiffure quand, soudain, elle s’arrêta de parler. Elle reposa le bout de croissant et se leva précipitamment.
- « Excusez-moi… Je… Je reviens tout de suite »
Elle partit en courant vers l’appartement.
- « Quelle mouche l’a piqué, à votre avis, professeur ? »
- « Aucune idée… Mais on ferait peut-être mieux d’aller voir »
Ils gagnèrent l’appartement. Les portes étaient ouvertes et un spectacle inattendu les attendait. Dans le fond de la chambre, Cécile était assise en tailleur, entièrement nue, le visage enfoui dans la cambrure d’un de ses pieds nus, qu’elle léchait avec avidité, en poussant de petits grognements de plaisir. Ils se regardèrent, sans comprendre.
Quand enfin, Cécile releva la tête, elle eut un petit sourire gêné et dit :
- « Bon ! Je sens que je vais devoir fournir quelques explications… »
- « Tu prenais vraiment plaisir à ce que tu faisais ? »
- « Bien sûr ! Beaucoup même ! Je voulais garder ça pour moi, mais… Vous vous en seriez aperçu de toute façon ! »
- « Tu ne le faisais pas avant d’avoir pris le traitement du professeur, n’est-ce pas ? »
- « Non. C’est la deuxième fois seulement. Quand je me suis réveillé tout à l’heure et maintenant. La première fois, j’aurais peut-être pu me retenir, mais cette fois, c’était impossible ! »
- « Quand est-ce que tu t’es aperçu que tu étais attirée par tes pieds ? »
- « Quand j’étais entre les deux banquettes, quand on s’est tiré de cette clinique pourrie. Je n’en avais pas envie comme maintenant, mais je les avais trouvés très beaux… Je n’avais jamais fait attention avant. »
Laurence se retourna vers le professeur et demanda :
- « Qu’est-ce que vous en pensez… C’est plus sérieux que je pensais ! J’ai l’impression que nous avons complètement bouleversé la chimie de son organisme. »
Elle fit de nouveau face à Cécile.
- « J’espère que tu ne nous en veux pas trop… »
- « Moi ! Vous en vouloir ! Mais tu es folle ! Je n’ai jamais été aussi heureuse. »
- « Tu reviens avec nous ? Je voudrais te faire une prise de sang. Je vais te prêter des vêtements et des chaussures, j’en ai toujours en réserve… Ce sera un peu grand pour toi, c’est tout. »
- « Non. »
- « Quoi, non ! »
- « Tu peux garder tes vêtements, je n’en veux pas. »
- « Tu ne vas pas garder cette chemise de nuit déchirée ! »
- « Non plus. Je vais rester comme ça ! »
Elle se leva et se dirigea vers le laboratoire, nue !
- « Tu devais quand même mettre quelque chose… »
Avant de répondre, Cécile attendit que le professeur se soit éloigné que quelques pas.
- « Ça te gène tant que ça que je sois nue ? »
- « Non ! Non… Je… Enfin… »
- « Dit plutôt que ça te fait perdre une partie de tes moyens, n’est-ce pas ! Je me trompe ? »
- « Comment tu t’en es aperçu… ça se voit tant que ça ? »
- « J’ai l’impression que tu vas te jeter sur moi à chaque instant… Ce qui n’est pas désagréable, d’ailleurs ! »
- « Tu aimes les femmes aussi ? »
- « Jusqu’à hier, je t’aurais dit non… Maintenant… Je ne sais plus… »
Après la prise de sang, Laurence s’isola dans un coin du laboratoire. Cécile se promenait entre les paillasses et tripotant les appareils, au grand dam du professeur.
Deux fois, au cours de l’après-midi, elle s’était assise pour lécher ses pieds nus, sans se cacher, comme si c’était quelque chose de parfaitement naturel. Entendre les gémissements de plaisir de Cécile rendait Laurence folle de désir, et elle beaucoup de mal à le dissimuler.
C’est vers 5 heures que Cécile devint insupportable. Elle revint à la charge, agressive. Elle voulait une nouvelle piqûre, elle l’exigeait. Après l’avoir rembarré plusieurs fois, Laurence s’aperçut que Cécile n’était vraiment pas bien. Elle s’était effondrée contre un placard, elle tremblait et était couverte de sueur. Elle pétrissait maladroitement ses seins, la respiration sifflante. Laurence dit à Garnier :
- « Professeur ! On ne peut pas la laisser comme ça ! Il faut faire quelque chose. »
Garnier jeta un coup d’œil à la jeune fille et convint
- « Vous avez raison, bien que ça n’ennuie beaucoup d’utiliser le produit avant d’avoir compris ce qui s’est passé hier ! »
- « En tout cas, nous avons un élément de plus, et ce n’est pas pour simplifier les choses ! Notre substance provoque une accoutumance à une vitesse stupéfiante ! »
- « Emmenez là dans l’appartement…. Si quelqu’un venait, ce qui est peu probable, il ne faudrait pas qu’il la voit dans l’état ou elle va être. »
- « C’est si impressionnant que ça ? »
- « Je vous laisse le découvrir pas vous même. »
Laurence prit la jeune fille dans ses bras avec plaisir… Depuis le temps qu’elle en avait envie, et se dirigea vers l’appartement. Cécile, presque paralysée maintenant marmonnait des mots sans suite. Elle ne comprit que vaguement, « vêtement », « tissu » et « brûlure », mais sans en être sûre.
Elle allongea la jeune fille désormais sans réaction et prépara la seringue. Elle trouva rapidement la veine et enfonça le piston. Quelques secondes plus tard, le regard de Céline reprenait vie. Elle sourit.
- « Il était temps ! J’ai cru que j’allais crever… Eloigne toi, s’il te plaît, ou déshabille toi… Tes vêtements me gênent. »
Surprise, Laurence recula de quelques pas
- « Ne t’en va pas ! Reste avec moi… Ferme la porte si tu ne veux pas que le vieux te voie à poil… Mais je t’en prie, reste avec moi ! »
Laurence hésitait. Elle ne savait plus très bien ou elle en était. Mais elle était sûr d’une chose. Elle avait très envie de s’allonger sur le corps nu de Céline. Le désir fut le plus fort. Elle enleva sa blouse de labo et apparut en soutien-gorge et en slip. Timidement, elle demanda :
- « Ça ira comme ça ? »
- « Non, entièrement… même les chaussures… tout ! »
Elle s’exécuta et fut rapidement entièrement nue. Elle se sentait un peu ridicule, nue, au beau milieu de cette chambre vide. Céline poussa soudain un gémissement. Elle s’inquiéta :
- « Ça va… Tu n’es pas bien ? Qu’est-ce que tu as ? »
Cécile éclata de rire.
- « Tout va très bien au contraire ! Le plaisir commence à venir… Je le sens monter…. Oh ! Oui ! »
Son visage se crispait sous les attaques de l’orgasme. Maladroitement, Laurence demanda :
- « Mais, qu’est-ce que je peux faire ? »
Avec beaucoup de difficultés, Cécile réussit à souffler
- « Pour l’instant… Rien. Mais… Après… Après… Mes seins… Reste… Reste… »
Le reste de la phrase se termina en un long cri de plaisir. Le corps de la jeune fille était agité de sursauts fougueux. Un moment, elle crut qu’elle était prise de convulsions, elle ne voyait plus que le blanc de ses yeux. Elle comprit pourquoi Céline lui avait dit qu’elle ne pouvait rien faire. La description que lui avait faite le professeur lui avait semblé exagéré, mais elle se rendait compte qu’il n’avait rien amplifié ! Elle resta pétrifiée pendant toute la durée du gigantesque orgasme de la jeune fille, hypnotisé. Elle était obligée de reconnaître, que malgré elle, cette vision insolite chauffait adorablement son bas ventre… Les mouvements de Cécile se calmèrent lentement… Ces gestes étaient plus étudiés. Elle comprit que le plaisir était en train de s’éteindre dans le corps de la jeune fille et qu’elle cherchait à le retenir le plus longtemps possible. Puis de crispées sur son ventre, ses mains remontèrent vers ses seins. Elle se mit à les effleurer gauchement, comme si elle ne savait plus comment s’y prendre.
Laurence
- « Viens, viens… Maintenant ! Caresse-moi les seins… Vite ! »
Un peu prise au dépourvu, Laurence s’assit près de la jeune fille. Avant qu’elle ait pu faire le moindre geste, Cécile se releva brusquement et s’allongea sur ses genoux. Dans le même geste, elle emprisonna ses poignets et plaqua ses mains sur ses seins. Surprise, mais secrètement ravie, Laurence commença à en titiller les pointes. Elle ne s’attendait assurément pas à la violence de la réaction qu’elle provoqua. Elle n’y avait pourtant pas été bien fort. Le corps de Cécile s’arquait de nouveau pour tenter de contenir ce qui ressemblait à un nouvel orgasme. Stupéfaite, elle releva aussitôt les mains, abandonnant les seins de Cécile. Celle-ci gronda de dépit.
- « Non ! N’arrête pas ! Continue… Me les lâche plus, même je crie ! promet ! »
- …
- « Alors ! vas-y ! Qu’est-ce que tu attends ! »
Elle reprit les seins de Cécile entre ses doigts et en fit rouler les pointes, le plus doucement possible. Comme la première fois, la réaction de Cécile était démesurée. Elle voyait le ventre de la jeune fille onduler sous les assauts de l’orgasme. Comment un si petit frôlement pouvait-il entraîner une aussi intense jouissance ? Soudain, sans qu’elle puisse se dominer, l’envie de pincer plus fort les pointes offertes devint irrésistible. Elle détendit les jambes et emprisonna le bassin de Céline entre ses cuisses. Cette brusque manœuvre lui fit perdre l’équilibre et elles roulèrent sur le côté, face à face. Puis elle serra. Malgré sa prise bien assurée, elle avait beaucoup de mal à maîtriser les mouvements désordonnés de Cécile. La jeune fille hurla plusieurs fois. Laurence adorait sentir le corps nu de Cécile entre ses cuisses. La peau douce excitait son sexe et elle affermit sa prise sur les seins de Cécile pour tenter d’intensifier cette douce sensation. Ce fut une erreur…. Cécile réussit à se dégager de son étreinte. Après quelques soubresauts solitaires sur le plancher rugueux, elle s’assit en soufflant.
- « Et bien ! Je ne t’en demandais pas tant ! »
Laurence, désorientée, secouait la tête pour tenter de rassembler ses pensées.
- « Je suis désolée… Je ne sais pas ce qui m’a pris. »
- « Ce n’est pas un reproche ! Au contraire… C’était formidable. C’est ce qui m’a manqué la première fois… Mais je me voyais mal demander au professeur ce que tu as fait… »
Laurence se releva d’un bond et se dirigea vers ses vêtements.
- « Laurence… »
- « Quoi encore ! Tu n’en as pas eu assez ? »
- « Oh ! Madame a ses humeurs, Regarde-moi ! »
Elle força Laurence à lui faire face en l’agrippant par les épaules. Elle était nettement plus petite et la confrontation avait quelque chose de comique. Ses mains glissèrent lentement vers les seins de Laurence et en emprisonnèrent les pointes. Elle plaça les mains de chaque cote de la volumineuse poitrine et excita les pointes par un mouvement rapide des pouces. Le regard dur de Laurence s’adoucit. Cécile la força à s’accroupir, puis à s’asseoir. Toute l’agressivité de Laurence avait fondu. Son regard était brillant et sa respiration haletante. Cécile s’assit à son tour, les jambes repliées et y allongea Laurence. Là, elle accentua ses caresses sur un des seins, tandis que sa bouche happait l’autre. Elle sentit nettement la pointe durcir sous sa langue. Les fesses de Laurence étaient agitées de mouvements réguliers comme sous les coups du butoir d’un amant invisible. Elle sentit le corps se tendre et comprit qu’elle jouissant. Oh ! Évidemment rien de comparable avec ce qu’elle avait elle-même connue quelques minutes plus tôt ! Elle accompagna l’orgasme en précipitant ses caresses. Elle ne releva la tête que quand elle sentit Laurence se détendre. Dès que Laurence ouvrit les yeux, elle lui sourit d’un air entendu. Après quelques secondes d’hésitation, Laurence lui rendit son sourire, d’abord timide, puis franchement naturel. Rompant le silence, Cécile demanda :
- « Alors ! ça va mieux ? »
- « Oui… Et excuse-moi pour tout à l’heure… C’est idiot. »
- « Dit donc ! Tu as les seins drôlement sensibles ! Tu n’as jamais pris de ton produit ? »
- « Bien sûr que non ! Mais… Disons que j’ai une longue habitude… Je prends mon plaisir avec eux depuis que je suis toute petite… Alors… »
- « Alors, à partir de maintenant, je t’interdis de le faire toi même… Compris ! »
- « Oui, maîtresse ! Il va quand même falloir rejoindre le professeur… Il va se demander ce qu’on est devenu ! »
- « Attend ! Je… J’ai… Est-ce que je peux… Non… Rien… Ne fais pas attention ! »
- « Allons ! Ne fais pas la timide ! Qu’est ce que tu veux ? »
- Oh ! Tu as raison après tout ! Est-ce que je peux te lécher les pieds ? »
- « C’est plutôt inattendu… Mais, les tiens ne te suffisent plus ? Tu sais, que l’on puisse aimer les pieds nus est un truc que j’ai un peu de mal à comprendre… Mais si ça te fait vraiment plaisir… »
- « Je peux alors ? »
- « Oui, tu peux ! »
Cécile pris les chevilles de Laurence et les disposa en tailleur devant elle, puis, elle s’accroupit. Elle prit les pieds nus dans le creux de ses mains et se pencha jusqu’à ce que ses lèvres touchent la peau sèche des talons. Elle sortit la langue et en suivit délicatement les contours. Au bout de quelques secondes, Laurence vit le corps Cécile se tasser sur lui-même pour comprimer son ventre. Elle sentait le souffle chaud de la jeune fille sur ses pieds nus. Quand le corps de la jeune fille se mit à trembler, elle comprit que Céline était en train de jouir encore une fois. Elle ne put résister à l’envie de lui passer les mains dans les cheveux. Après tout, ce n’était pas si désagréable que ça de se faire lécher les pieds !
Cécile roula sur le côté et soupirant d’aise. Laurence se leva en enfila sa blouse, laissant dans un coin, le slip et le soutien-gorge. Elle enfila rapidement ses chaussures et se prépara à sortir. Cécile la rappela vivement.
- « Laurence ! »
- « Qu’est-ce que tu veux encore ! »
- « Tu peux rester pieds nus ? S’il te plaît ! »
- « Pieds nus ! Mais pourquoi ? »
- « Parce que j’aime bien pouvoir les admirer ! Pour me faire plaisir. »
- « Ils sont si beaux que ça ? »
- « Ils sont magnifiques… Mais tu ne t’en rends pas compte ! »
- « Bon ! Pour te faire plaisir alors ! »
Marcher pieds nus ! pourquoi pas. Ce n’était pas dramatique ! A vrai dire, elle ne comprenait pas pourquoi Cécile était à ce point attirée vers les pieds nus. Elle n’avait jamais considéré ses propres pieds nus autrement qu’une partie de son corps chargée de ses déplacements et qui la faisait souffrir quand ses chaussures étaient trop petites. Après ce qui venait de se passer, une complicité s’était créée, aussi décida-t-elle de faire ce que Cécile lui demandait. Elle fit sauter ses chaussures, et se dirigea pieds nus vers l’entrée du labo en souriant et en hochant la tête, sous le regard brillant de Cécile.
Céline s’allongea et s’endormit presque aussitôt. Le professeur l’attendait. Elle se sentit obligée de se justifier.
- « Je… Enfin… »
- « Je ne vous demande rien Laurence ! Voilà, écoutez-moi. Pendant que vous… Peu importe, je ne suis pas resté les bras croisés »
Le professeur avait trouvé le défaut de sa formule et semblait très abattu. A partir de ses informations et du résultat des analyses du sang de Cécile, il était maintenant en mesure d’expliquer la réaction qu’avait provoquée sa drogue. Cette explication ruinait 30 ans de recherches… Toute sa carrière… Sa vie.
Il savait aussi maintenant que le principe actif de cette molécule bouleversait totalement les échanges chimiques du cerveau… Et que cette modification était irréversible. Elle modifiait les cellules chargées de produire l’endorphine. Cette endorphine modifiée ne se contentait plus d’endormir la douleur… Elle provoquait le plaisir. Cette altération était d’abord violente et produisait des flots de cette « euphorine » qui provoquait le foudroyant orgasme observé chez Cécile… Mais le remaniement des cellules ne s’arrêtait pas là ! Elles devenaient incapables de produire autre chose que cette molécule complexe. Après la crise aiguë passée, elles continuaient à produire, en quantité moindre, cette matière déconcertante, d’où la forte sensibilité au plaisir qu’avait conservé Cécile. Par contre, si l’extrême sensibilité permanente de ses seins était aisément explicable, l’incoercible attirance qu’elle avait pour ses pieds nus l’était moins ! On ne pouvait douter de la corrélation indiscutable qui liait les deux constatations, mais le mécanisme restait à démontrer. « L euphorine » n’était sûrement que la modification la plus voyante et des multitudes de mutations secondaires devaient affecter les cellules. Il faudrait probablement plusieurs années pour les dénombrer toutes ! Etant donné que les cellules étaient désormais incapables de produire autre chose, le manque se faisait sentir immédiatement. Dès que le taux « d’euphorine » était trop bas dans le sang, le sujet était pris d’une horrible envie de jouir qui le rendait malade… Garnier ne put s’empêcher de faire le rapport avec un drogué en manque… Et cette constatation l’abattit encore un peu plus. Consacrer toute sa vie à produire un médicament miracle et s’apercevoir, qu’en fait, il n’avait fabriqué qu’une… Drogue !
Le professeur termina son exposé avec un geste fataliste.
- « Voilà ou nous en sommes ! Il n’y a plus grand-chose à dire. C’est un fiasco total. Je voulais offrir la guérison à cette pauvre fille… Et je lui ai offert un remède qui est pire que le mal. »
- « Ce n’est pas ce qu’elle a l’air de penser… »
- « Arrêtez donc de raconter des conneries Laurence ! Votre partie de jambes en l’air vous fait prendre votre sens commun ! Moi qui pensais faire rapidement une communication officielle sur le résultat de mes recherches… Vous voulez que je publie ça ! »
- « Mais tout n’est pas négatif… »
- « Je vois que vous n’êtes pas en état de discuter… Je rentre… De toute façon, je n’ai plus rien à faire ici. Je rendrais mon rapport au président de l’université en fin de semaine, et toutes les notes et les échantillons seront détruits… »
Il ramassa sa veste et se dirigea vers la sortie. Il se retourna brusquement et dit :
- « Au fait… Vous devriez commencer à chercher du boulot… Ici, c’est fini ! »
Et il sortit en claquant la porte.
Cas de conscience
Elle était atterrée. Pas pour elle ! Elle retrouverait toujours du travail dans sa spécialité… Mais Cécile… Après ce que venait de dire Garnier, la priver de sa dose quotidienne équivalait à la tuer… Ou à la transformer en légume. Il fallait faire quelque chose, et vite ! Bien sûr, elle pouvait faire comme Garnier… Partir et laisser tomber. Après tout, elle n’avait aucune responsabilité dans le fait qu’il ait tenté une expérimentation humaine sans autorisation. Il en subirait seul les sanctions qui ne manqueraient pas de tomber, dès la publication de son rapport… Mais il avait l’air de s’en foutre complètement. Oui, mais ! Mais elle ne pouvait s’ôter de l’esprit la vision du corps nu de Cécile en proie à l’orgasme redoutable qui l’avait secoué pendant de longues minutes… Bien qu’elle ait du mal à le reconnaître, cette vision et ce qui avait suivit l’avait profondément marqué. Elle ne pouvait s’empêcher de se voir à la place de Cécile. La recherche du plaisir physique avait toujours été très importante pour elle. Depuis aussi loin qu’elle se souvenait, elle n’était jamais, ou presque, resté plus d’une journée sans se masturber au moins une fois… Et elle pensait sérieusement utiliser la drogue sur elle, en lui apportant quelques changements. La brusque réaction de Garnier mettait tous ses plans par terre.
Elle se rendit compte qu’elle était toujours pieds nus. Le professeur ne s’en était même pas aperçu. Elle fut tentée d’aller rechercher ses chaussures, mais, elle avait promis à Cécile… Elle s’assit à la grande table de travail et remonta son pied droit pour le poser sur le genou gauche. Là, elle le regarda, s’attendant presque à lui trouver quelque chose de changé. Mais non ! Elle ne comprenait toujours pas ce qui pouvait attirer Cécile vers ses pieds nus. Bien sur, ils n’étaient pas désagréables à regarder ! Ils étaient longs et fins, les orteils étaient très réguliers, la cambre très prononcée, la couleur douce… Mais elle avait beau les examiner sous toutes les coutures, ils se suscitaient en elle aucune émotion et encore moins d’excitation sexuelle. Non ! Vraiment ! Elle ne comprenait pas !
Mais c’était un point de détail ! Pour l’heure, il y avait une décision à prendre. Le labo serait probablement démantelé avant la fin de la semaine, et il n’y avait pas de temps à perdre. Il fallait qu’elle mette Cécile à l’abri et qu’elle rassemble toutes ses notes. Elle en savait presque autant que Garnier et n’aurait aucun mal à effectuer la synthèse de l’euphorine… Seulement, dès que le professeur aurait remis son rapport au président de l’université, tout le monde se mettrait à rechercher Cécile. Elle avait déjà une idée assez précise de ce qu’elle allait faire. Le fils d’une de ses amies rattrapait une immense ferme près de Valence, et il ne pouvait rien lui refuser… De plus, elle avait toujours été d’une discrétion totale sur sa vie privée, le professeur ne s’était même pas aperçu, en 5 ans, qu’elle était plus attirée par les femmes que par les hommes. Personne n’irait la chercher là-bas.
Elle décida de partir le soir même. Elle gagna rapidement l’appartement. Cécile dormait, nue, à même le plancher. Elle la secoua sans ménagement.
- « Céline, réveille-toi ! Vite ! On se tire d’ici ! »
- « Qu’est-ce qui se passe… Y’a le feu ? »
- « Non, mais il faut partir sans perdre de temps, je t’expliquerais, habille-toi ! »
Pendant que Cécile enfilait machinalement les vêtements qu’elle lui avait apportés, Laurence lui fit un rapide résumé de la situation et lui demanda de la rejoindre au labo. Là, elle commença à rassembler ses cahiers de notes. Elle les empila dans un carton. Quand Cécile arriva, pieds nus, ses chaussures à la main, elle lui indiqua son bureau.
- « Ramasse tout ce qui traîne et met le dans le carton ! »
Elle-même ramassa les flacons qui tapissaient la paillasse principale du labo et les entassait dans un sac de voyage. Elle avait d’abord pensé repasser chez elle prendre quelques vêtements, mais elle connaissait bien Garnier, et dans l’état ou il était, elle avait peur qu’il aille s’épancher directement dans le bureau du président de l’université. Dans ce cas, les choses iraient sans doute beaucoup plus vite. Non ! Elles allaient partir directement. Elle se dirigea vers le téléphone et composa rapidement un numéro.
- « Nathalie ?… C’est moi… »
- « … »
- « Oui, je sais ! J’aurai dû te prévenir, mais, écoute, je n’ai vraiment pas pu… »
- « … »
- « Non, je ne rentre pas… Arrête et écoute-moi sans rien dire, je t’expliquerais tout. Tu rassembles quelques affaires pour moi et tu viens me rejoindre chez Florent, à Valence… Oui, repasse chez toi si tu veux, mais quitte repliement mon studio. Surtout ne dit à personne ou je suis… Non ! Je t’expliquerais chez Florent !… Demain soir, OK ?… Allez ! A demain ! »
Elle raccrocha en souriant. Cécile demanda.
- « Et c’est qui, Nathalie ? »
- « Heu ! Mon amie, si tu vois ce que je veux dire. »
- « Et tu l’as laissé tomber pendant plus de 24 heures sans la prévenir ? »
- « Pire ! Tu ne devineras jamais ce qu’on était en train de faire quand Garnier m’a appelé ! »
- « Non ! »
- « Si ! Il va falloir que je sois inventive pour me faire pardonner… Surtout quand elle te verra ! »
- « Elle est jolie ? »
- « Très… Et je l’aime beaucoup ! »
- « Je veux dire… Ses pieds… Comment sont-ils ? Aussi beaux que les tiens ? »
- « Tu es vraiment incorrigible… Tu ne penses qu’à ça ! Je ne sais pas… Moi tu sais, les pieds ! Enfin, ils ne ressemblent pas du tout aux miens. Nathalie est vietnamienne et ses pieds sont beaucoup plus petits ! Et puis, tu verras bien ! Allez ! On y va ? »
- « Je suis prête, quand tu veux ! »
- « Tu vas peut-être mettre les chaussures pour sortir ! Je sais qu’elles sont trop grandes pour toi, mais pour aller jusqu’à la voiture, ça ira. »
En voyant la grimace de Cécile, elle demanda.
- « Tu as vraiment du mal à les supporter, ou c’est juste que tu n’as pas envie de les mettre ? »
- « C’est vrai que je n’ai pas envie de les mettre, mais elles me gênent vraiment ! »
- « Tu n’as qu’à mettre des chaussettes si tu as peur qu’elles te blessent. »
- « Non, tu ne comprends pas je crois. Les chaussettes, j’ai essayé tout à l’heure… Je ne peux pas les enfiler… Comment dire… Ça me fait horreur et je me sens bien que quand mes pieds sont entièrement nus. Le contact des chaussures me gêne réellement. »
- « Tu veux dire que tu n’as pas pu mettre les chaussettes ? »
- « Je te jure que j’ai essayé… Mais c’est absolument impossible ! »
- « Les chaussures, ça va ? »
- « Ça va, elles me gênent vachement, mais c’est supportable… Enfin pour l’instant. »
- « Bon, on en parlera en voiture. Prend le sac et attention, c’est fragile. Moi je vais prendre le carton. »
- « Ne t’inquiète pas. J’y tiens trop pour casser quoique ce soit ! »
Elles sortirent du labo et s’engagèrent dans l’immense couloir qui menait jusqu’au grand hall de l’institut. Le gardien les regarda d’un œil distrait. Il ne s’intéressait jamais aux gens qui sortaient, seulement ceux qui entraient. Laurence se pencha vers Céline.
- « A l’occasion, il faudra que tu me racontes comment Garnier t’as fait entrer ! »