Claire –Jeudi 3 avril 2003, 8 heures 30
- Ecoutez, mademoiselle LANTIER, j’attends vos analyses. En attendant, je vous prescris une pommade qui devrait atténuer la sensation de malaise. Il s’agit probablement d’une banale allergie.
- Je sais, docteur, mais c’est très gênant. Ce n’est pas vraiment la saison des chaussures ouvertes. Je passe partout pour une originale, termina Claire en souriant.
- Cela aurait pu être pire ! Nous sommes au mois d’avril, et les beaux jours ne sont pas loin. Imaginez que cela vous soit arrivé en plein hiver ?
- Bien sûr… C’est une façon de voir les choses
Le médecin se leva et se dirigea vers la porte. Visiblement, la visite était terminée. Il ouvrit la porte et tendis la main à Claire.
- Allez, Mademoiselle LANTIER, ne vous inquiétez pas. Vous revenez me voir dès que vous avez les analyses !
- Entendu ! Au revoir !
La porte se referma sur une Claire, à moitié rassurée. Le docteur avait quand même l’air assez perplexe. Elle regarda sa montre. Elle avait largement le temps de passer prendre rendez-vous au labo avant de prendre son boulot.
Le labo était en face du cabinet médical, juste la rue à traverser. Il lui semblait qu’elle faisait un peu tache, pieds nus dans ses sandales d’été ! Elle avait réussi à supporter de fines socquettes blanches pour se rendre jusqu’au cabinet médical, mais elle avait été obligée de les ôter dans la salle d’attente ou elle était seule, fort heureusement. Depuis quelques semaines, elle éprouvait des difficultés à supporter les chaussures fermées. Au début, elle n’y avait prêté une grande attention, puis, petit à petit, elle s’était trouvée dans l’impossibilité de mettre des chaussures fermées.
Là, elle avait commencé à sérieusement s’inquiéter ! Pendant les jours suivants, elle avait résolu le problème en mettant des chaussettes épaisses, mais hier, au boulot, en plein service, elle avait été contrainte de les enlever.
Elle avait eu beaucoup de mal à maîtriser la panique qui l’avait alors saisit et elle avait immédiatement pris un rendez-vous chez le médecin.
Elle se secoua et traversa la route. Le labo était désert, lui aussi. La laborantine de service se saisie de son ordonnance et l’examina quelques secondes avant de déclarer.
- Il vous faut ça pour quand ?
- Le plus rapidement possible, s’il vous plait.
- Bien, le prélèvement de peau, on peut vous le faire immédiatement… Et la prise de sang… Vous avez mangé ce matin ?
- Non, j’ai juste pris un café… Il y a deux heures, maintenant.
- Alors, c’est parfait ! On va pouvoir tout faire en même temps. Asseyez-vous un moment, on va vous appeler.
Claire se dirigea vers les quelques chaises qui tenaient lieu de salle d’attente. Elle était à peine assise que la porte en face d’elle s’ouvrit. Une grande femme à l’allure revêche criant son nom dans la salle vide.
Elle ne ressortit que quelques minutes plus tard. La femme n’avait pas dit un seul mot. Elle s’était contentée d’indiquer un fauteuil, avait pratiqué la prise de sang, puis le prélèvement dans le silence le plus parfait.
Après un nouveau coup d’œil rapide sur sa montre, elle pressa le pas. Heureusement, le bar ou elle travaillait se trouvait à quelques centaines de mètres du labo. Le patron était déjà derrière le bas, son tablier bleu toujours aussi crasseux. Elle ôta sa veste et attacha son tablier blanc avant de rejoindre le patron.
- Ben dit donc ! C’est déjà le printemps, dit-il en désignant ses pieds nus dans ses sandales.
Elle essaya de se défendre de façon naturelle.
- C’est qu’il ne fait pas froid, ce matin…
- Ho ! Ce que j’en dis ! Ce sera bien pour nous si tu découvres tes jambes aussi vite que tes pieds, ajouta-t-il avec un rire gras.
Claire n’appréciait pas vraiment ce genre de remarques. Elle avait déjà dû remettre ce gros porc à sa place plusieurs fois, quand ses mains devenaient un peu trop baladeuses. Heureusement que la plupart du temps, la patronne trônait au-dessus du tiroir-caisse. Sa présence tempérait singulièrement les ardeurs du patron.